Roussillon
5 min
L'usine
Okhra
De la matière à la couleur.
A Roussillon, l'ocre est omniprésente au cœur du triptyque sentier-village-usine Mathieu. La coopérative ôkhra – écomusée de l'ocre propose avec la designer produit VSB -Atelier de s'immerger dans le paysage et la matière où les dialogues des roussillonnais viennent tisser ensemble un récit autour du lien entre le village, ses habitants et leur usine, réappropriation d'un patrimoine commun : l'ocre.
Réalisation : Victoire de Brantes
A Roussillon, l'ocre est omniprésente au cœur du triptyque sentier-village-usine Mathieu. La coopérative ôkhra – écomusée de l'ocre propose avec la designer produit VSB -Atelier de s'immerger dans le paysage et la matière où les dialogues des roussillonnais viennent tisser ensemble un récit autour du lien entre le village, ses habitants et leur usine, réappropriation d'un patrimoine commun : l'ocre.
Réalisation : Victoire de Brantes
Usine
On n'exploite plus l'ocre ici. Il y a une entreprise qui reste à Gargas, mais on n'en a plus besoin. Ce qu'on garde, c´ est vraiment ce qui crée l'âme du village, il y a vraiment quelque chose qui se passe et sur les gens et sur la douceur de vivre, et bien sûr les couleurs, le tout tinté d'orange. On ne peut pas l'enlever, Roussillon, c'est vraiment cette marque de fabrique. Ç´est un site industriel, comme tout site industriel, c´est hors du village.
Donc c´était le 31 juillet 1993, on allait dans le Gard. On s'est aperçu qu'on passait devant un bâtiment totalement abandonné. Il y avait juste des palissades qui avait été repeintes en bleu clair. Et on s'est dit que devant un bâtiment industriel, on ne peut pas ne pas s'arrêter. Donc on s'est arrêté, on est descendu entre les deux bâtiments du jaune et du rouge, parce qu'à l'époque il y en avait un déjà qui était jaune et un autre qui était rouge. En tout cas, c´était un silence absolu, que des cigales. Puis on n'a vu que les bâtiments en ruines, on n'a même pas vu les bassins. Donc ça a été un peu un choc, on est resté là. On s'est aperçu ensuite qu'il y avait effectivement ce lieu qui appartenait à la commune, qui avait un nom, l'usine Mathieu, et l'aventure a commencé comme ça. Donc c'est un projet de conservatoire sur la couleur avec l'idée qu´un savoir-faire pour qu'il reste vivant, il faut qu'il reste sur un marché économique, donc il faut qu'en même temps on puisse sensibiliser les visiteurs à l'intérêt d'utiliser ce produit. On s´ aperçoit que les gens sont étonnés de la facilité et de la beauté de faire un trait avec un morceau d'ocre jaune et d'ocre rouge et un charbon bois. Une fois qu'on a fait ça, l'étape suivante, c'est d'aller plus loin : c'est quoi une peinture ? c´est quoi une teinture ? et donc notre rôle, c'est vraiment un rôle d'étincelle, de réveiller une passion, de réveiller une envie et puis après on peut aller beaucoup plus loin ! Nous on a été pendant 25 ans centre de formation, donc on a formé plus de 10 000 stagiaires, aujourd'hui il y a d'autres centres de formations, mais à un moment il faut quelque chose qui réveille, et nous, nous sommes un peu cette petite flamme, la flamme qui doit réveiller.
Et voilà, on les a appris ici, on le redonne aux gens, on le réexplique, donc nous c'est vraiment la transmission, c'est à dire retransmettre ce que l'on a appris pour que les gens comprennent ce qui s'est passé.
C´est dans cette usine que se maintient l'histoire de Roussillon, je dirais presque l'âme de Roussillon, l'âme des tous ces ocriers. Un des enjeux essentiels, c'est d'arriver à associer la population de Roussillon à ce qu'elle s`approprie cette ancienne usine comme étant leur patrimoine.
Ici on sensibilise justement, en dehors de transmettre, apprendre aux personnes le savoir-faire ocrier et la formation géologique. Je pense que c'est en passant par là qu'on peut communiquer avec les gens et leur faire comprendre que tout n´est pas acté et que tout n'est pas ancré. Le patrimoine, qu'il soit bâti, naturel ou lié au savoir-faire, il est quand même à préserver car il est fragile.
Moi, j´avais créé le triptyque, j'ai encore les documents. Le triptyque c'est : le village, le sentier et l'usine Mathieu. Ce triptyque, comment dire, on ne peut pas passer au travers de ça. Il y a le village qui est magnifique, l'usine Mathieu, ôkhra ou l'écomusée c'est super et il y a le sentier. On ne peut pas imaginer l'un sans l'autre.
La dernière personne qui vraiment manie l'ocre ici au village va prendre sa retraite. Donc c'est un savoir-faire qui se perd, mais c'est un savoir-faire qui va être important. Je pense que ce retour aux produits naturels quand on voit les couleurs différentes, même au village, entre le jaune, l'ocre, le rouge et même jusqu´ au beige claire etc. Le spectre des couleurs est très important et cette exploitation-là dure, voilà, on voit l'ocre naturelle sur les bâtiments, ça dure longtemps. Donc je pense qu'il y a peut-être quelque-chose à imaginer sur le renouveau de cette utilisation de l'ocre.
L'atelier : il y avait plusieurs volets. Il y avait un volet paysage où il était proposé de vivre le paysage autrement que de façon optique : en le pratiquant. C´est à dire de façon tactile, de façon plus sensuelle, en faisant appel à tous les sens, et d'essayer de le comprendre et de l'envisager sous un autre angle qu'un paysage offert à voir... Toute tentative de transmission, a pour objet principal d'induire une réflexion sur soi, sur l'environnement, et sur le paysage entre autre. Il y a tellement de questions qui sont soulevées par le paysage, mais moi ma principale question, c'est la légitimité d´appropriation du paysage.
Changement de société, je pourrais dire quelques mots comme ça, participer, se sentir acteur du devenir, donc le devenir de demain c'est aussi le tactile, ce n'est pas que le virtuel, ce n'est pas que l'écran et à ce niveau-là je me sens pleinement acteur.
Parler du toucher, cela redonne du sens. Si on redonne du sens au pigment, on redonne du sens à l'humain, tout est lié. Donc voilà, je suis heureux de ça. Si vous voulez être et exister avec la nature, c´est important parce qu'on en fait partie. La preuve lorsqu'on se lève le matin, on met deux couches ou trois couches selon comment on se sent, comment on ressent cette nature. Donc c'est ça que je voudrais remettre au gout du jour, et le gout voyez c'est encore un sens. Donc tous ces 5 sens, si on peut leur redonner la qualité et l'authenticité qu´ils méritent, on sera plus humain, donc on pourra réfléchir mieux.
Les Roussillonnais peuvent se sentir dépossédés par la foule qui va au sentier, alors qu´il faudrait l'arrêter, pour justement lui permettre de s'approprier le savoir-faire avec les villageois et les résidents, non pas en foule mais d'une manière plus intime, un moment privilégié et heureux. Donc tout concourt alors à la plénitude, à l'admiration, à l'apaisement.
Merci à Alain B, Alain D, Alex, Clara, François T, François V, Gérard, Jean-Yves, Mathieu, Patrick, Philippe.
Ces « cartes postale sonores » ont été réalisées en août 2022 dans le cadre dans le cadre de l'été culturel du Ministère de la Culture en partenariat avec la FeMS, Fédération des écomusées et des Musées de société. La transcription pour la « boite à histoires » à été réalisée avec la Médiathèque Roussillon.
Okhra